lundi 20 juin 2011

Jean-Pierre THORN, Faire kiffer The B-Side


Se révolter, filmer
Une rétrospective des films de Jean-Pierre Thorn
Du 15 au 24 juin 2011 à Marseille - une proposition de The B-Side

Le film qui ouvre la rétrospective date de 1996, il a pour titre Faire kiffer les anges. La langue employée est celle du cinéma documentaire. Elle est d'une désarmante modestie. Rien dans la forme ne distinguerait ce film-ci d'un autre, n'était cette qualité rare, une sorte d'émanation : il ressemble à celui qui l'a réalisé et laisse percevoir que ce dernier ressemble aux humains qui habitent son imaginaire. Cette ressemblance de l’œuvre à son auteur et de l'auteur à ses personnages est fruit d'une sensibilité, qu'on peut nommer une sincérité. Manifestement, le cinéaste s'est reconnu dans la génération hip-hop, miroir d'une jeunesse qui aurait pu être la sienne, et dans la naissance d'un mouvement de lutte au sortir d'un désenchantement de grande ampleur, celui des années Mitterrand. Il y a une douceur qui est celle de la confidence, et l'amertume d'une nostalgie d'un temps désiré, jamais advenu. Or, au lieu d'un renoncement, le voyage laisse dans l'esprit des spectateurs une sensation de jouvence. Comme si l'énergie de la lutte pouvait survivre à la fin des utopies... Ce qui se dit là du film Faire kiffer les anges décrit en réalité tout le cinéma de Jean-Pierre Thorn. C'est-à-dire sa pensée de la vie, son rapport au monde. D'où la nécessité de la rétrospective.

Queen K, association The B-Side.

Jean-Pierre Thorn est un enfant de Mai 68, il avait vingt-et-un ans dans les piquets de grève de Renault Flins, caméra au poing, expérience qui donna naissance au film Oser lutter, oser vaincre. Les ouvriers du film ont levé leurs piquets le 17 juin 1968 après 33 jours de blocage de la production. On doit à la délicatesse de Queen K *d’avoir programmé ce film au Polygone étoilé un 16 juin, quarante-trois ans plus tard. Et le cinéaste d’aujourd’hui, l’homme d’expérience, porte un jugement sans complaisance sur les emportements idéologiques de sa jeunesse. On connaît des anciennes gloires des barricades qui ont moins souci d’autocritique, peut-être parce qu’ils s’imaginent encore avoir quelque gloire à préserver, quelque destin national, ou quelque transcendance politique à nous faire accroire. La petite voix de Jean-Pierre Thorn, sa musique existentielle, sonne infiniment plus juste. Sans doute l’homme a-t-il mûri avec l’âge, peut-être s’est-il assagi, notamment dans ses gestes de cinéma, mais ce qu’il a gagné en sérénité n’a en rien amoindri sa sensibilité à fleur de peau. Cela tient à peu de choses qui font toute la valeur d’une œuvre : impossible d’en discerner une mécanique formelle. Question de vibration. Ce fut touchant de voir un cinéaste mettre l’accent sur les défauts de ses films de jeunesse (Les ouvriers de la Margoline, 1973, complétait le programme) face à des spectateurs qui préféraient souligner leurs qualités, d’une part avec le recul historique, d’autre part pour ce qu’ils sont en tant qu’objets singuliers. Que resterait-il d’un cinéma de la lutte quarante après les événements qui l’ont motivé s’il ne parlait directement au cœur des spectateurs, s’il ne pouvait outrepasser ses contradictions, s’il n’était ancré profondément dans notre histoire commune. Jean-Pierre Thorn résume ainsi son parcours : de vingt à quarante ans, j'ai fréquenté les ouvriers, ensuite, j'ai fréquenté les enfants des ouvriers. Oser se souvenir, oser voir dans le passé ce qui se cache dans l’actualité la plus brûlante, oser revendiquer son appartenance au petit peuple sans baisser la tête.


Marseille, Polygone étoilé, 16 juin 2011

La rétrospective se prolonge jusqu'au 24 juin.
Programme complet et lieux de projections sur le site de The B-Side

* Queen K, cinéaste, membre du collectif Film flamme, est auteure de deux films nécessaires, donnant au mouvement hip-hop une vision de l'intérieur pleine de gravité : By all means necessary, incidences, 2003 et Hip-hop stories, 2011. Elle développe ses projets autour de la culture hip-hop en créant l'association Don't Sleep, ancien nom de The B-Side. Son dialogue avec Jean-Pierre Thorn rend passionnante cette rétrospective Se révolter, filmer.

Filmographie de Jean-Pierre Thorn
2010 93 LA BELLE REBELLE
2007 LE FEU, LA PROCHAINE FOIS - projet de comédie musicale (en écriture)
Bourse d'Aide au Développement du Scénario du 26em Festival International d'Amiens
2004/2005 ALLEZ YALLAH ! - documentaire 116 mn ­ Production CARGO Films (Jean-Jacques BEINEIX)
Sélection ACID, Cannes 2006 - Festival International du film, La Rochelle - Etats Généraux du cinéma documentaire, Lussas - Festival International du film, Amiens 2006 - Fès (avril 2007) - sortie cinéma 22/11/06 (distribution CARGO Films)
2002 ON N'EST PAS DES MARQUES DE VÉLO - documentaire 89 mn ­ Diffusion ARTE "Grand Format" 03/02/03
Sélection ACID, CANNES 2003 - 60° MOSTRA DE VENISE 2003 (sélection " nouveaux territoires ") ­ sortie cinéma septembre 2003 ­ éditions DVD Sony Music
1998/2001 Ecriture et développement chorégraphique et musical du KIF A L'OPERA - projet de comédie musicale Hip Hop (production interrompue)
1997 Prix documentaire Cannes Junior - TIMIMOUN 98
1996 FAIRE KIFER LES ANGES - documentaire 88 mn (ARTE)
Prix Michel MITRANI F.I.P.A. BIARRITZ
1995 GENERATION HIP HOP ou LE MOUV' DES Z.U.P - documentaire 58 mn - (FRANCE 3 Rhône-Alpes) et 2 x 26mn (Saga-cités)
sélection F.I.P.A. (BIARRITZ 96)
1994 Le Savoir des autres ­ documentaire de commande 40 mn - & Les accoucheurs de racines - 17 mn - Ministère de la Recherche
1993 Bled Sisters - documentaire. 25 mn - FRANCE 3 Saga-cités
1990 JE T'AI DANS LA PEAU - fiction 118 mn
CANNES 91 (Perspectives), BERLIN 91 (Forum International) & MONTREAL 90 (Festival international du Jeune cinéma)
1980 LE DOS AU MUR - documentaire 105 mn
édition 2007 DVD+Livre de Tangui Perron chez SCOPE EDITIONS/PERIPHÉRIE
1973 LA GRÈVE DES OUVRIERS DE MARGOLINE - documentaire 42 mn
1968 OSER LUTTER, OSER VAINCRE, FLINS 68 - documentaire 95 mn
1967 NO MAN'S LAND - fiction 25 mn
1966 EMMANUELLE (ou Mi-vie) - fiction 32 mn
1° Prix Festival EVIAN 67

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